Cité de la mode

Quelques semaines après les violentes évacuations des migrants du campement de la Chapelle, puis de la halle Pajol, nous sommes allés à la rencontre des migrants installés dans l’autre grand campement parisien, celui situé sous la Cité de la mode et du design, dans le 13ème arrondissement de Paris.
Environ 100 migrants font face à la Seine et demeurent invisibles pour les clubbeurs qui fréquentent le Nüba, un bar et une boîte de nuit en plein air très « trendy » situé juste au-dessus, sur la terrasse de la Cité de la mode et du design.
La plupart des migrants vient du Soudan. C’est souvent la même histoire qui se répète : on fuit un pays en guerre, en traversant le désert pour atteindre la Lybie entassé sur un pick-up ; certains passent quelques mois dans ce pays, d’autres des années avant de pouvoir traverser la mer Méditerranée et atteindre la côte européenne, moyennant en général environ 1000 €. Aux côtés des migrants soudanais, différentes nationalités africaines se côtoient, quelques marocains et tunisiens, des guinéens, un sénégalais et un nigérien.
Beaucoup projettent de rejoindre la Grande-Bretagne ou un pays du nord de l’Europe, d’autres préfèrent rester en France. Au milieu de ces hommes âgés de 19 à 55 ans, une seule femme, Greta, Cette coquette roumaine de 53 ans est très à cheval sur la propreté du campement. Tous les matins, elle passe le balai et ramasse gobelets et papiers gras.
Sous la Cité de la mode et du design, les nuits sont courtes. La fête bat son plein jusque vers 5 heures du matin. Dans ces conditions, impossible de trouver le sommeil dans les tentes. Alors, jusqu’en milieu d’après- midi, le campement vit au ralenti, surtout en cette période de ramadan. Certains hommes sont dehors, contemplent la Seine, les runners et les cadres de passage. D’autres se rendent à l’accueil de jour du Secours Catholique à la gare d’Austerlitz pour prendre une douche ou à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) pour y effectuer des démarches administratives.
Toute la journée, différentes personnes défilent dans le campement. Cela commence par la Police nationale en fin de matinée. Trois agents sont chargés du « comptage » des migrants. Puis dans l?après-midi, plusieurs ONG effectuent leurs tournée : Emmaüs, Médecins du Monde et le Secours Catholique. En début de soirée, ce sont des militants et autres bénévoles regroupés au sein du Collectif de soutien aux migrants du quai d’Austerlitz qui prennent le relais. Enfin, vers 22 heures, 300 repas sont distribués par l’association « Un pas pour demain » et de jeunes bénévoles qui se sont organisés pour venir en aide aux migrants.
Au-dessus du campement, les clubbers ont afflué nombreux au Nüba. En ce mois de juillet, le lieu est très prisé des jeunes parisiens. Le contraste entre le haut et le bas est saisissant ! Certains ne voient pas la misère étalée sous leurs pieds, d’autres la remarquent sans trop savoir quoi faire.
Une simple barrière située en haut de l’escalier sépare symboliquement le bar du campement. Mais dans l’esprit des migrants, il s’agit pour le moment d’une barrière infranchissable. Tout un symbole…

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